Je ne peux plus garder ce secret Marc... disait ma mère, je pouvais apercevoir la sueur sur son front, et l'angoisse dans ses yeux. Je me tenais derrière la porte du bureau de mon père, et je regardais la scène à travers la serrure du haut de mon jeune âge. Mais qu'est-ce que tu racontes ? criait mon père. Tu ne peux pas Juliette, c'est impossible, mais tu es folle ? TU PENSES À TA FILLE ? Il attrapait son poignet de manière violente. C'est fini, je ne veux plus cacher la vérité, je ne veux plus mentir, supporter ce que tu es ! Il relâchait l'emprise qu'il avait sur elle et passait la main dans ses cheveux, agacé. Juliette, si tu fais ça, tout s'arrête, et Violet... Ma fille ne devrait pas vivre dans un monde comme celui-ci, ne devrait pas nous avoir comme parents ! Surtout pas toi... je voyais les larmes envahir son visage angélique. Elle est morte... Tu réalises que notre fille va à l'école tous les jours avec sa fille ? Tu vas vraiment le faire ? demandait mon père, avec un ton solennel. Je ne peux plus... je... Il se dirigeait vers son bureau, ouvrait un tiroir. Je ne peux pas te laisser faire ça, tu vas tout gâcher disait mon père avec amertume. Il venait de sortir un pistolet, petit, argenté, il l'observait une dizaine de seconde avant d'y mettre une balle. Il relevait son regard noir en direction de ma mère qui ne bougeait plus. La bouge entrouverte, les sourcils froncés, elle ne regardait qu'une seule chose, le petit objet que tenait mon père dans sa main droite. Tu ne peux pas faire ça... Marc, mais... les larmes commençaient à couler sur ses joues, elle éclatait en sanglot. Je t'en supplie... elle semblait désespérée, elle ne voulait même pas lui mentir, promettre qu'elle ne dirait rien, elle avait laissé tomber, préférant mourir que de continuer à se taire. Le maire de ville ne présentait aucune hésitation, il braquait l'arme en direction de sa femme, son bras ne tremblait pas, ni son doigt sur la gâchette. Il passait devant son bureau afin de réduire l'espace qui le séparait de ma mère. Non Juliette, je ne peux pas prendre ce risque... si tout ce résume à ça... Ma mère le coupait. Alors fait-le. Un dernier échange, un dernier regard, une dernière respiration. Un bruit sourd envahissait la maison, j'observais mon père, et avec toute l'innocence du monde je regardais le sang de ma mère tâcher le tapis. Je poussais la porte, et mon père, pistolet à la main, croisait mon regard. Parler n'était pas nécessaire, tout venait d'être dit, un seul regard avait suffit pour nous lier dans le mensonge à jamais.  

Je pourrais parler une centaine de fois de cet incident, de ce crime, il est gravé dans ma mémoire jusqu'à mon dernier souffle et pourtant je ne me sens pas coupable de mentir. Je sais pour Katherine, sa mère, je sais pour ma mère également mais je ne peux rien y faire. Les personnes mortes ne peuvent pas se relever, revivre alors à quoi bon se battre, et dire la vérité. Ma mère faisait fausse route, tout simplement. Les remords sont superficiels, il ne faut pas en avoir et simplement se concentrer sur l'avenir, chose que j'ai eu l'occasion de faire lorsque la police est venue m'interroger. Comment ne pas croire une petite fille ? Mon père n'était pas inculpé, faute de preuves, avec mon témoignage à l'appui. Je ne suis pas complice de son meurtre, je comprends simplement, même si encore aujourd'hui je connais pas toute l'histoire, aussi étrange que cela puisse paraître, je n'ai jamais demandé. Je n'ai jamais rien demandé en fait, nous n'avons même pas eu besoin de parler avant ma déposition, il savait que je ne dirais rien. Il voyait ce côté sombre que j'avais en moi, il avait compris que j'étais comme lui, un glaçon sans sentiments.

Aujourd'hui je reviens, je vais marcher sur les pas de ma mère, de toutes ces personnes mortes, tout en gardant le silence. Rebonjour cher quartier de mon enfance.